Je suis passé près du champ d’un paresseux… sagesse biblique et apprentissage par l’expérience

Résumé par IA:

L’article discute du concept de formation pratique à travers l’optique de la sagesse biblique, en particulier dans le livre des Proverbes. Il met en avant l’importance de considérer le contexte, l’organisation et la communauté dans la formation des individus, et comment la vision biblique du monde reste pertinente aujourd’hui. L’auteur argue que le cycle de l’apprentissage et de la croissance est centré autour de la crainte de Dieu, qui fournit une base pour la sagesse et la compréhension.

L’extrait explore également les trois livres de sagesse (Proverbes, Job et Qohélet) comme une progression de l’apprentissage et de la croissance, où les individus passent d’un état de naivité à la maturité. Le livre des Proverbes est vu comme un guide pour les jeunes hommes pour naviguer dans le monde, développer des vertus et devenir des leaders sages. L’auteur met en avant l’importance de la communauté, de la tradition et de l’expérience partagée dans la transmission de la sagesse.

Points clés

Le cycle de l’apprentissage et de la croissance est centré autour de la crainte de Dieu.

Article:

Comment penser la formation pratique à l’écoute de textes datant de près de trois millénaires ?

Les contextes, l’organisation sociale, les métiers, les méthodes d’apprentissage et le rapport à la communauté sont très différents.

Mais l’humanité, fondamentalement, n’a pas changé et la vision du monde biblique repose sur des repères dont la pertinence demeure pleine aujourd’hui.

En nous intéressant à la sagesse biblique, on touche à la même pâte humaine, aux mêmes défis fondamentaux que ceux auxquels on est confronté aujourd’hui.

Comment aussi penser les nouvelles approches de la formation par l’expérience à la lumière de la sagesse biblique ? Et comment ne pas imposer à celle-ci des schémas et des présupposés modernes ?

Le propos qui suit va chercher à poser quelques repères en réponse à ces questionnements.

1. La sagesse biblique : un contact avec le réel

La sagesse biblique n’est pas philosophe, même si les prémisses depuis lesquelles elle se déploie peuvent donner un cadre à une réflexion sur le monde et soi-même.

Ainsi, le préambule des Proverbes (Pr 1,2-7) donne une liste de vertus qui présentent le projet de formation du livre. On peut, au-delà de la première impression de désordre engendrée par l’effet d’accumulation de cette liste, y voir une organisation en structure concentrique1 William P. Brown, Character in Crisis. A Fresh Approach to the Wisdom Literature of the Old Testament, Grand Rapids, Eerdmans, 1996, p. 25, présente cette structure..

Les vertus intellectuelles (A-B2 Les sections B et B’ présentent les conventions littéraires de la sagesse liées à la transmission des vertus intellectuelles, B’ les détaillant (sentence, parabole, paroles et énigmes). et A’-B’, sagesse, instruction, connaissance) encadrent le tout ; puis elles sont suivies par des vertus instrumentales (C, instruction du bon sens, sagacité, prudence, perspicacité, art de diriger) ; finalement, les vertus morales servant la communauté (D, justice, droit et intégrité) sont au cœur de l’intention de la formation :

Sentences de Salomon, fils de David, roi d’Israël (1.1)

A Pour connaître sagesse et instruction / (2a)

B pour discerner des paroles de discernement, (2b)

C Pour recevoir instruction de réussir, / (3a)

D justice et droit et intégrité, (3b)

C’ Pour donner aux inexpérimentés sagacité / (4a)
à un jeune homme connaissance et prudence (4b)
Qu’écoute un sage et qu’il augmente sa perspicacité, / (5a)
et celui qui discerne, qu’il acquière l’art de diriger ! (5b)

B’ Pour discerner sentence et parabole, /
paroles de sages et leurs énigmes. (6)

A’ La crainte de YHWH : commencement de connaissance /
sagesse et instruction les stupides méprisent. (7)3 Nous présentons ici une traduction personnelle, très littérale. Les autres citations bibliques sont prises de la TOB (2010), sauf indication contraire.

Le « programme de formation » vise donc le service concret de la communauté, par la pratique de la justice. Le développement des capacités d’analyse et l’acquisition de la connaissance sont intégrés à la démarche d’apprentissage, mais l’horizon est l’engagement dans la réalité du vécu de la société israélite.

2. La crainte de Dieu, moyeu du cycle d’apprentissage

Les méthodes modernes d’évaluation de l’apprentissage par l’expérience – tel par exemple le cycle de Kolb qui présente quatre phases d’apprentissage (pratiquer, analyser, généraliser, et transférer) – sont pourrait-on dire placées « sous le soleil4 Bruce K. Waltke et Charles Yu, Théologie de l’Ancien Testament. Une approche exégétique, canonique et thématique, coll. Ouvrages de Référence, Charols, Excelsis, 2012, p. 1037, évoque l’idée – soutenue à raison par Kathleen Farmer – que « l’expression « sous le soleil » implique qu’il y a une réalité au-delà du domaine observable », tant sur le plan d’une rétribution qui s’applique après la vie présente qu’avec la foi en un Dieu qui surplombe une réalité souvent incompréhensible et apparemment injuste. »5  Une présentation intéressante de l’apprentissage expérientiel, par l’Université TÉLUQ (université à distance de l’Université du Québec) peut être trouvée ici : https://wiki.teluq.ca/wikitedia/index.php/Apprentissage_exp%C3%A9rientiel#Description (site consulté le 7.8.2024).. Anthropocentrées et donc sans référence au Dieu unique et transcendant, elles s’inscrivent dans les contingences du monde visible – ce qui n’invalide pas certaines de leurs intuitions, souvent tirées du bon sens, qui permettent d’évaluer la qualité d’un apprentissage.

Les livres bibliques de sagesse, tout en reconnaissant la nécessité de prendre en compte le réel, posent des repères plus objectifs et universels, fondés sur la réalité du Dieu révélé. Une théologie confessante, s’inscrivant dans la vision du monde biblique, affirme et assume des présupposés qui fondent et gardent l’engagement du croyant de s’égarer sur des chemins absurdes6 La réfutation de toute connexion entre la foi en Dieu et la théologie se gausse souvent de ces présupposés (considérés comme naïfs et préscientifiques), mais elle s’aveugle des prémisses (naturalistes, scientistes, rationalistes) qui conditionnent sa propre prétention à la neutralité..

Bruce Waltke évoque Proverbes 1,7 (« La crainte du Seigneur est le commencement de la connaissance » NBS) comme affirmant l’épistémologie du livre des Proverbes7 Bruce K. Waltke, The Book of Proverbs. Chapters 1-15, coll. NICOT, Grand Rapids/Cambridge, Eerdmans, 2004, p. 173..

La « crainte du Seigneur  » présente une facette rationnelle, qui touche à « une révélation objective qui peut être enseignée … et mémorisée … un coréférentiel à la ‘loi’, aux ‘statuts’, ‘commandements’ de YHWH8 Waltke, Proverbs 1-15, p. 100. ». Selon William Brown, « La révérence sainte présente rien moins que la base méthodologique pour s’approprier la sagesse … Elle est la posture à prendre pour exercer et élargir son répertoire de vertus9 Brown, Character, p. 28.. »

La crainte du Seigneur présente aussi un aspect non rationnel, touchant à « une réponse émotionnelle de crainte, d’amour et de confiance10 Waltke, Proverbs 1-15, p. 101. ». La crainte et l’amour du Seigneur sont ainsi quasi synonymes dans le Deutéronome11 Waltke, Proverbs 1-15, p. 101, donne en exemple Dt 5,29 ; 6,2 et 5 :  « Si seulement leur cœur était décidé à me craindre et à observer tous les jours tous mes commandements [… afin que tu craignes le Seigneur, ton Dieu, en observant, tous les jours de ta vie … toutes ses prescriptions et tous ses commandements … Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur… »[/mfn].

La notion de « commencement » (rēšît) a le double sens de commencement temporel et de réalité première, sur le plan philosophique. Waltke ne pense pas que le second sens s’applique à Pr 1,7, car cela placerait la crainte de YHWH parmi les autres vertus12 La version TOB 2010 propose un solutionnement du concept intéressant : « La crainte du Seigneur est le principe du savoir. » Mais l’idée de « savoir » limite la portée de la dā’at hébraïque.. Il évoque le parallèle de Pr 9,1013 « La crainte du SEIGNEUR est le commencement de la Sagesse et l’intelligence est la science des saints. » Émile Nicole, « La crainte du Seigneur, commencement et fin de la sagesse » dans L’amour de la sagesse. Hommage à Henri Blocher, éd. Alain Nisus, coll. Interprétation, Vaux-sur-Seine/Charols, Édifac/Excelsis, 2012, p. 55, voit ici un approfondissement de la connaissance vers la sagesse : « savoir n’est pas toujours comprendre, et de la compréhension à la sagesse, il y a un écart sensible »., qui utilise un terme synonyme (teḥillâ) au sens purement temporel. Il souligne que cette primauté temporelle de la crainte de YHWH ne doit pas se concevoir sur un plan horizontal, comme si on pouvait la laisser derrière soi, mais sur un axe vertical, sur lequel tout le reste repose14 Waltke, Proverbs 1-15, p. 181. – Dave Bland évoque Waltke en prenant dans ce sens l’image d’une échelle : « Si l’étudiant rate le premier échelon, il ne peut pas progresser vers le suivant15 Dave Bland, Proverbs and the Formation of Character, Eugene, Cascade Books, 2015, p. 4.. »

Cette prémisse n’est pas remise en question dans le livre de Job, mais son aparté du chapitre 28 évoque les limites humaines de la quête de sagesse, et conclut par l’affirmation radicale exprimée par Dieu même : « La crainte du Seigneur, voilà la sagesse. S’écarter du mal, c’est l’intelligence ! » (Jb 28.28). Au cœur de la tourmente de la souffrance, la sagesse échappe à Job et à ses amis qui, tous, pensent pourtant se fonder sur la crainte de Dieu. Dans cette impuissance, la crainte du Seigneur et ses implications morales demeurent. Comme l’explique bien Émile Nicole : « Lorsqu’on ne sait plus vraiment où est la sagesse et où elle mène, car la difficulté est devenue trop grande, on peut au moins s’accrocher à cette certitude que craindre le Seigneur c’est être sage et s’éloigner du mal, c’est être intelligent16 Nicole, « La crainte du Seigneur, commencement et fin de la sagesse », p. 62.. »

Nicole poursuit son examen de la progression des livres de sagesse sur la question de la crainte de Dieu avec le discours conclusif de Qohélet, où apparaît l’injonction : « Crains Dieu et observe ses commandements, car c’est là tout l’homme » (Qo 12,13). Alors que la démarche de sagesse se heurte à la réalité d’un monde déchu et parce que l’être humain est limité, « le retour au principe de base s’impose plus que jamais […[/mfn] même fondée sur la crainte du Seigneur, la sagesse reste une construction inachevée et aléatoire17 Nicole, « La crainte du Seigneur, commencement et fin de la sagesse », p. 70. ». La démarche de sagesse n’est pas remise en question, mais le contact avec la réalité d’un monde mauvais et les limitations de l’être humain révèlent que, « même fondée sur la crainte du Seigneur, la sagesse reste une construction inachevée et aléatoire18 Nicole, « La crainte du Seigneur, commencement et fin de la sagesse », p. 70. ».

Ainsi, tel le moyeu qui assure l’intégrité d’une roue, la crainte de Dieu au centre du cycle d’apprentissage expérientiel permet à celui-ci de prendre la réalité à bras-le-corps, sans livrer l’apprenant à un pur subjectivisme anthropocentrique ; et là où chancellent les capacités d’analyse et où s’érodent certains repères qui paraissaient solides, elle demeure.

Cette référence centrale est implicitement évoquée par Michel Siegrist dans sa présentation du cycle de Kolb, en lien avec les inévitables remises en cause des repères du chrétien au long de son apprentissage de vie : « La boucle de Kolb pourra l’accompagner pour que ce déséquilibre ne le fasse pas tomber, mais lui permette d’aller plus en profondeur dans sa relation à Dieu19 Michel Siegrist, « Quand la pratique et la sagesse interagissent dans le discernement pastoral » dans Redécouvrir la sagesse biblique. Actes du colloque 2023, Vaux-sur-Seine, éd. Antony Perrot (éd.), coll. Interprétation, Vaux-sur-Seine, Édifac, 2024, p. 232. C’est nous qui soulignons. Michel Siegrist est professeur chargé de la formation pratique à la HET-PRO. Celle-ci est une haute école dont l’enseignement de théologie appliquée vise à former des professionnels dans les métiers d’Église et autres organisations para-ecclésiales.. »

Nous osons toutefois une nuance essentielle : c’est plutôt sa crainte de Dieu qui préviendra l’étudiant d’une chute dommageable20 Le lien entre la crainte du Seigneur et la protection est évoqué dans certaines sentences : « Il y a une puissante assurance dans la crainte du SEIGNEUR, pour ses enfants il est un refuge. La crainte du SEIGNEUR est fontaine de vie ! Elle détourne des pièges de la mort » (Pr 14,26-27) ; cf. aussi Pr 16,6 et 19.23., alors qu’il use des moyens d’analyse, de modélisation et d’action proposés par le cycle de Kolb – celui-ci servant plutôt de balisage d’un parcours dont il faut se donner les moyens de mesurer et de perfectionner la progression.

Par cette centralité de la crainte de Dieu dans l’application de la boucle de Kolb (ou de tout outil de formation expérientielle), on verra aussi la supériorité de la révélation spéciale sur les limites de la révélation naturelle, comme l’explique Jean Calvin dans son Institution Chrétienne :

Car comme les vieilles gens ou larmeux, ou ayant comment que ce soit les yeux débiles, quand on leur présentera un beau livre et de caractères bien formés, bien qu’ils voient l’écriture, toutefois à grand’ peine pourront-ils lire deux mots de suite sans lunettes, mais les ayant prises en seront aidés pour lire distinctement : ainsi l’Écriture recueillant en nos esprits la connaissance de Dieu, qui autrement serait confuse et éparse, abolit l’obscurité, pour nous montrer clairement quel est le vrai Dieu21 Jean Calvin, L’Institution chrétienne, vol. 1, I.6.1, Aix-en-Provence/Fontenay-sous-Bois, Kerygma/Farel, 1978, p. 32..

Plus qu’un garde-fou, la crainte du Seigneur permet ainsi une plus grande efficacité pour l’analyse des situations et la progression d’un apprentissage.

3. Trois livres pour Trois parcours d’apprentissage

Selon William Brown, les trois livres de sagesse (Pr, Jb, Qo) présentent à la fois « le moi allant vers l’extérieur22 Brown, Character in Crisis, p. 152. » et « le moi revenant23 Brown, Character in Crisis, p. 154. ».

Ainsi le jeune homme crédule24 Le prologue des Proverbes met en parallèle le petî « l’inexpérimenté, facilement séduit, mais requérant de l’instruction et capable d’apprendre » (HALOT, vol. 3, p. 989) et le na’ar , le jeune homme (Pr 1,4). Waltke, Proverbs 1-15, p. 111, souligne, au sujet du petî : « Bien que les crédules ne soient pas dits méchants ou impies ni qu’ils soient comparés aux « insensés », leur crédulité n’est pas sans signification morale ou religieuse, ni sans danger pour eux-mêmes ou ceux qui leur sont associés. » des Proverbes part de sa famille – lieu de son instruction – « au-delà des murs cloîtrés du foyer et de la maison » au contact du monde extérieur : « Comme voie droite vers la maturité, la sagesse remplace doucement et progressivement la direction parentale qui a amené l’enfant au seuil de l’état adulte. Le livre des Proverbes parle autant de lâcher prise que de tenir ferme25 Brown, Character in Crisis, p. 152.. » Aboutissement du parcours de formation, le jeune homme devient un « patriarche en plein essor » qui « a atteint son but vocationnel : trouvant l’épouse idéale, développant une famille idéale et s’assurant l’estime de ses collègues patriarches26 Brown, Character in Crisis, p. 154. ».

Le cheminement de Job plonge celui-ci dans un « ordre mondial étrange » et lui-même « incarne l’étrangeté27 Brown, Character in Crisis, p. 153.. » Et, en fin de parcours, lorsque Dieu rétablit sa situation, « Job revient en étant un homme différent avec une famille reconfigurée et une nouvelle vision morale. Job et son monde sont réconciliés28 Brown, Character in Crisis, p. 154.. »

Quant à Qohélet, il « voyage du moi au non-moi, une quête ouvertement orientée vers la sagesse qui mène inévitablement à la négation d’une existence porteuse de sens29 Brown, Character in Crisis, p. 153. ». Mais la déconstruction ne l’abat pas : « Sans réponse satisfaisante, Qohélet réinvestit en lui-même en se concentrant sur les moments évanescents mais porteurs de rédemption de joie et de travail. Son caractère est reconstruit pour les savourer, les recevant comme des dons plutôt que comme un gain mérité30 Brown, Character in Crisis, p. 154‑155.. »

Les trois parcours affectent non seulement les idées ou le comportement de la personne, mais son caractère : la foi, à l’épreuve de la vie réelle, en ressort approfondie, débarrassée des scories d’idées toutes faites. La démarche de déconstruction n’est pas validée en elle-même, mais toujours placée dans une vision du monde théiste ; ce qui permet une reconstruction utile et un perfectionnement de l’engagement dans le monde réel.

Nous allons maintenant nous intéresser plus particulièrement au livre des Proverbes.

4. Le contact avec le réel dans les Proverbes

Les Proverbes ne se présentent pas comme un point de départ absolu de l’enseignement de la sagesse, mais ils s’inscrivent dans un cycle d’apprentissage au contact du réel qui a déjà tiré ses leçons d’expériences passées ; et aussi venant d’ailleurs comme le montrent, à la fin du livre, les enseignements d’Agour (Pr 30) et les paroles que le roi Lémuel transmet à la suite de sa mère (Pr 31), d’origine manifestement étrangère au royaume d’Israël31 La proximité de Pr 22.17-23.11 avec la Sagesse d’Amenemopet est aussi une indication des échanges culturels avec l’Égypte. Cf. Waltke, Proverbs 1-15, p. 30..

Le formateur, lui-même transmetteur d’une expérience

Celui qui enseigne le jeune homme s’exprime à partir de son propre vécu ou de celui de la communauté dont il transmet plus loin les retours d’expérience. Dans le cinquième « sermon » de la première section du livre des Proverbes32 Pr 1.8-9.18., le père enjoint ses fils à recevoir son enseignement comme il l’a fait lui-même : « Moi aussi, j’ai été un bon fils pour mon père … Mon père m’enseigna en ces termes : Que ton cœur saisisse mes paroles… » (Pr 4,3-4).

Le père qui se réfère à son expérience d’apprenant présente une sorte de « rapport réflexif » : son vécu vient en appui aux attentes qu’il place sur ses fils à son école.

On peut aussi voir, par la transmission du savoir d’une génération à l’autre, la réalité d’une tradition familiale ou collective qu’un regard trop individualiste pourrait résumer à une connaissance théorique, voire à un carcan forcément néfaste, alors qu’elle est présentée ici sous un angle positif33 Waltke, Proverbs 1-15, p. 275, souligne que le père, « en citant son propre père et en se donnant en exemple, implique l’ancienneté de l’enseignement et son expérience positive au sein de la tradition, donnant à celle-ci de l’autorité et de la crédibilité ». On peut aussi noter que l’enseignement ici s’adresse à des fils, au pluriel (4.1-2 « Écoutez, fils … ne répudiez pas mon enseignement »).. Dans une culture où la communauté avait une grande importance et où l’oralité était le moyen de transmission principal, on peut voir ici une « mémoire collective », un retour d’expérience intégré par le groupe familial34 Peut-on concevoir une conceptualisation d’un cycle d’apprentissage dont le sujet ne serait pas un individu, mais une communauté et dont la modélisation serait portée et transmise collectivement ? La plupart des enseignements bibliques, dans les deux Testaments, visent la communauté des croyants, le qāhal/ekklèsia. Nous tendons ainsi trop facilement à individualiser, par exemple, les exhortations que Paul adresse aux Églises de manière collective. : si le jeune homme est censé développer des vertus qui servent la communauté35 Cf. supra, la présentation du Préambule (Pr 1.2-7)., il devra s’inscrire dans l’histoire de celle-ci.

Dans les dix sermons des chapitres 1 à 9 des Proverbes, l’organisation de la formation du « fils » est une modélisation des leçons tirées de l’expérience.

En contre-point à cette structuration précise, la juxtaposition, fréquente dans la suite du livre, de sentences dont on discerne mal les liens logiques envoie aussi le message que la vie est trop complexe et marquée par l’inattendu pour qu’un modèle rigide permette d’interagir avec le réel de manière idoine. Comme l’a expliqué le maréchal Helmut von Moltke, grand stratège et artisan, avec Bismarck, de l’unité allemande : « Aucun plan de bataille ne résiste au premier contact avec l’ennemi. » En d’autres mots, la modélisation à partir d’un vécu ne peut être enfermée dans un règlement rigide. La formation à la sagesse pose à la fois un cadre de comportement, mais elle implique aussi une accumulation d’expériences que seul un engagement régulier dans des situations réelles permet de produire.

Exemple de retour d’expérience : les enseignements sur la paresse

L’implication directe de l’instructeur sous forme d’un témoignage personnel de son expérience pratique est rare dans les Proverbes. Seuls les passages suivants présentent cette approche : le père formateur témoigne avoir lui aussi été un fils apprenant (4,3-4 voir ci-dessus) ; deux descriptions d’une réalité observée par l’instructeur lui-même : celle d’un jeune homme séduit par une femme adultère (7,6-27) et celle du champ d’un paresseux (24,30-34).

Il existe d’autres sentences en « je », mais elles ne présentent pas une expérience dont le formateur tire une instruction36 Par exemple, pour exprimer l’intention du formateur : « Pour que ta confiance soit dans le Seigneur, je vais t’instruire aujourd’hui toi aussi. Voici, j’ai écrit à ton intention trente maximes en matière de conseil et de savoir » (Pr 22,19-20). En Pr 30,3, Agour confesse son ignorance pour pointer l’attention vers le Dieu créateur – une démarche comparable à la réponse du Seigneur à Job (Jb 38,4ss). Beaucoup d’autres sentences reproduisent le discours hypothétique d’un protagoniste.. Nous écartons aussi le « témoignage » de Dame Sagesse (tel celui de l’admirable chapitre 8), car il s’agit ici d’un procédé littéraire qui ne présente pas l’expérience d’un formateur humain à laquelle l’apprenant pourrait s’identifier.

Mais bien des conseils impliquent une telle expérience préalable.

Ainsi, parmi les divers enseignements sur la paresse, nous trouvons des degrés différents de rapport à l’expérience vécue :

– Des énoncés généraux, où l’instructeur ne s’implique pas directement. Par exemple : « Celui qui se relâche dans son travail est déjà frère du destructeur » (Pr 18,9)37 Autres exemples d’énoncés généraux sur la paresse : 10,4 et 26 ; 12,27 ; 13,4 et 23 ; 15,19 ; 19,15 et 24 ; 20,4 et 13 ; 22,13 ; 26,13-16 ; et 28,19..

– Une « leçon de choses » qui ne se fonde pas explicitement sur l’expérience personnelle du formateur mais qui appelle à aller examiner une situation – et qui entend assez certainement que l’instructeur a lui-même effectué l’observation : « Va vers la fourmi, paresseux ! Considère sa conduite et deviens un sage » (Pr 6,6). La description du phénomène (vv. 7-8) est suivie par une vive exhortation évoquant l’issue malheureuse de la nonchalance (vv. 9-11).

– Le témoignage direct du formateur :

Je suis passé près du champ d’un paresseux, près de la vigne d’un homme sans courage.

Et voici : tout n’était qu’un roncier ; tout était masqué par les épines

et la murette de pierres était écroulée.

Moi, je regardai, j’appliquai mon attention. Je vis et j’en retins une leçon :

Un peu dormir, un peu somnoler, un peu s’étendre, les mains croisées,

et, en se promenant, te viendra la pauvreté, la misère comme un soudard.

(Pr 24,30-34)

On trouve ici la séquence :

  • expérience : l’auteur s’est déplacé et a constaté la situation malheureuse
  • analyse38 « Je regardai » (le verbe ḥzh décrivant une observation évaluatrice) et, littéralement, « moi j’ai placé mon cœur » (‘ānokî ‘āšît libbî), qui implique la mobilisation de la raison.
  • élaboration d’un modèle39 Il en prend une « correction », un avertissement. Le terme mûsār (qui apparaît trente fois dans les Proverbes, notamment dans son prologue, en Pr 1,2-3 et 7) peut évoquer la punition, mais aussi l’instruction
  • mise en garde sur la paresse et ses conséquences négatives

Le quatrième temps de la séquence a une forme analogue aux énoncés globaux qui émaillent la majorité des Proverbes. Parmi ceux-ci, les sentences qui évoquent la paresse partagent certains éléments avec l’instruction du ch. 24 : la somnolence coupable ; les mains inactive ; la pauvreté ; le (non) travail du champ.

Ainsi Pr 10,4 met en contraste la « paume de mollesse » qui appauvrit et la « main des assidus » qui enrichit ; 19,15 affirme qu’une personne paresseuse aura faim ; 20,4 explique que le nonchalant qui n’a pas labouré ne trouvera rien à la moisson ; 20,13 lie l’amour du sommeil à la pauvreté.

La connexion entre le témoignage du cheminement réflexif de l’instructeur et des énoncés généraux permet de voir en ceux-ci les retours d’expérience et d’observation concrètes, plutôt que des enseignements spéculatifs, « hors sol ».

les livres de sagesse, guides de la formation pratique ?

Les Proverbes, Job et Qohélet sont profondément en contact avec la vie réelle.

Leur propos s’ancre dans des expériences vécues, tant pour en tirer des leçons à transmettre que pour reconnaître les limites de la sagesse humaine face aux aspects éprouvants ou inexplicables de l’existence.

Cet ancrage dans les défis concrets d’un monde marqué par le mal désoriente inévitablement toute personne qui ne se cache pas des problèmes qu’elle rencontre. Mais la progression de l’apprentissage de la vie est placée sous l’éclairage de la crainte du Seigneur, qui permet aux remises en question et aux déconstructions nécessaires d’être suivies par la reconstruction sécurisée de repères nouveaux.

Il serait sans doute malheureux de contempler les livres de sagesse comme de simples témoins de la culture israélite passée – ce qu’ils sont évidemment – sans s’interroger sur leur pertinence aujourd’hui pour l’apprentissage expérientiel.

Moyennant l’habituelle prise en compte du contexte, des formes littéraires et de la progression de la révélation, il serait intéressant d’intégrer le message et les orientations des livres de sagesse dans un projet de formation. A minima pour garder à l’esprit la vision du monde qui donne sens à notre existence (et qui vient éclairer les méthodes de formation pratique, qu’il faut adopter avec discernement) ; mais on peut pousser plus loin et penser un curriculum de formation qui inclue plus consciemment les apports des livres de sagesse.

Ainsi William P. Brown affirme : « Le livre des Proverbes est aussi un livre de vertus, d’abord écrit pour des jeunes. Du moins, c’est très clair dans les neuf premiers chapitres, qui comprennent la première unité de taille conséquente dans ce livre passablement complexe40 Brown, Character in Crisis, p. 22.. »

De manière comparable, dans la préface de son excellent commentaire sur les Proverbes, Bruce Waltke regrette que l’Église ait pratiquement mis de côté le livre des Proverbes, alors qu’il « a été écrit pour des jeunes comme une boussole pour diriger le navire de leur vie41 Waltke, Proverbs 1-15, p. xxi. ». Il souligne son aspect de « programme d’étude » :

En tant que cours et source de la sagesse biblique, le livre des Proverbes demeure le modèle du curriculum de l’humanité, pour apprendre comment vivre selon Dieu et devant l’humanité. Par conséquent, il nous invite à une étude et une application diligentes. Pour le jeune non engagé [uncommitted youth[/mfn], il est une pierre d’achoppement, mais pour le jeune qui s’y engage, il est une pierre de fondation42 Waltke, Proverbs 1-15, p. xxi..

Le chantier de l’intégration des livres de sagesse dans les démarches de formation pratique chrétiennes est encore à exploiter : qui lui donnera le premier coup de pelle ?

Notes

  • 1
    William P. Brown, Character in Crisis. A Fresh Approach to the Wisdom Literature of the Old Testament, Grand Rapids, Eerdmans, 1996, p. 25, présente cette structure.
  • 2
    Les sections B et B’ présentent les conventions littéraires de la sagesse liées à la transmission des vertus intellectuelles, B’ les détaillant (sentence, parabole, paroles et énigmes).
  • 3
    Nous présentons ici une traduction personnelle, très littérale. Les autres citations bibliques sont prises de la TOB (2010), sauf indication contraire.
  • 4
    Bruce K. Waltke et Charles Yu, Théologie de l’Ancien Testament. Une approche exégétique, canonique et thématique, coll. Ouvrages de Référence, Charols, Excelsis, 2012, p. 1037, évoque l’idée – soutenue à raison par Kathleen Farmer – que « l’expression « sous le soleil » implique qu’il y a une réalité au-delà du domaine observable », tant sur le plan d’une rétribution qui s’applique après la vie présente qu’avec la foi en un Dieu qui surplombe une réalité souvent incompréhensible et apparemment injuste.
  • 5
     Une présentation intéressante de l’apprentissage expérientiel, par l’Université TÉLUQ (université à distance de l’Université du Québec) peut être trouvée ici : https://wiki.teluq.ca/wikitedia/index.php/Apprentissage_exp%C3%A9rientiel#Description (site consulté le 7.8.2024).
  • 6
    La réfutation de toute connexion entre la foi en Dieu et la théologie se gausse souvent de ces présupposés (considérés comme naïfs et préscientifiques), mais elle s’aveugle des prémisses (naturalistes, scientistes, rationalistes) qui conditionnent sa propre prétention à la neutralité.
  • 7
    Bruce K. Waltke, The Book of Proverbs. Chapters 1-15, coll. NICOT, Grand Rapids/Cambridge, Eerdmans, 2004, p. 173.
  • 8
    Waltke, Proverbs 1-15, p. 100.
  • 9
    Brown, Character, p. 28.
  • 10
    Waltke, Proverbs 1-15, p. 101.
  • 11
    Waltke, Proverbs 1-15, p. 101, donne en exemple Dt 5,29 ; 6,2 et 5 :  « Si seulement leur cœur était décidé à me craindre et à observer tous les jours tous mes commandements […
  • 12
    La version TOB 2010 propose un solutionnement du concept intéressant : « La crainte du Seigneur est le principe du savoir. » Mais l’idée de « savoir » limite la portée de la dā’at hébraïque.
  • 13
    « La crainte du SEIGNEUR est le commencement de la Sagesse et l’intelligence est la science des saints. » Émile Nicole, « La crainte du Seigneur, commencement et fin de la sagesse » dans L’amour de la sagesse. Hommage à Henri Blocher, éd. Alain Nisus, coll. Interprétation, Vaux-sur-Seine/Charols, Édifac/Excelsis, 2012, p. 55, voit ici un approfondissement de la connaissance vers la sagesse : « savoir n’est pas toujours comprendre, et de la compréhension à la sagesse, il y a un écart sensible ».
  • 14
    Waltke, Proverbs 1-15, p. 181.
  • 15
    Dave Bland, Proverbs and the Formation of Character, Eugene, Cascade Books, 2015, p. 4.
  • 16
    Nicole, « La crainte du Seigneur, commencement et fin de la sagesse », p. 62.
  • 17
    Nicole, « La crainte du Seigneur, commencement et fin de la sagesse », p. 70.
  • 18
    Nicole, « La crainte du Seigneur, commencement et fin de la sagesse », p. 70.
  • 19
    Michel Siegrist, « Quand la pratique et la sagesse interagissent dans le discernement pastoral » dans Redécouvrir la sagesse biblique. Actes du colloque 2023, Vaux-sur-Seine, éd. Antony Perrot (éd.), coll. Interprétation, Vaux-sur-Seine, Édifac, 2024, p. 232. C’est nous qui soulignons. Michel Siegrist est professeur chargé de la formation pratique à la HET-PRO. Celle-ci est une haute école dont l’enseignement de théologie appliquée vise à former des professionnels dans les métiers d’Église et autres organisations para-ecclésiales.
  • 20
    Le lien entre la crainte du Seigneur et la protection est évoqué dans certaines sentences : « Il y a une puissante assurance dans la crainte du SEIGNEUR, pour ses enfants il est un refuge. La crainte du SEIGNEUR est fontaine de vie ! Elle détourne des pièges de la mort » (Pr 14,26-27) ; cf. aussi Pr 16,6 et 19.23.
  • 21
    Jean Calvin, L’Institution chrétienne, vol. 1, I.6.1, Aix-en-Provence/Fontenay-sous-Bois, Kerygma/Farel, 1978, p. 32.
  • 22
    Brown, Character in Crisis, p. 152.
  • 23
    Brown, Character in Crisis, p. 154.
  • 24
    Le prologue des Proverbes met en parallèle le petî « l’inexpérimenté, facilement séduit, mais requérant de l’instruction et capable d’apprendre » (HALOT, vol. 3, p. 989) et le na’ar , le jeune homme (Pr 1,4). Waltke, Proverbs 1-15, p. 111, souligne, au sujet du petî : « Bien que les crédules ne soient pas dits méchants ou impies ni qu’ils soient comparés aux « insensés », leur crédulité n’est pas sans signification morale ou religieuse, ni sans danger pour eux-mêmes ou ceux qui leur sont associés. »
  • 25
    Brown, Character in Crisis, p. 152.
  • 26
    Brown, Character in Crisis, p. 154.
  • 27
    Brown, Character in Crisis, p. 153.
  • 28
    Brown, Character in Crisis, p. 154.
  • 29
    Brown, Character in Crisis, p. 153.
  • 30
    Brown, Character in Crisis, p. 154‑155.
  • 31
    La proximité de Pr 22.17-23.11 avec la Sagesse d’Amenemopet est aussi une indication des échanges culturels avec l’Égypte. Cf. Waltke, Proverbs 1-15, p. 30.
  • 32
    Pr 1.8-9.18.
  • 33
    Waltke, Proverbs 1-15, p. 275, souligne que le père, « en citant son propre père et en se donnant en exemple, implique l’ancienneté de l’enseignement et son expérience positive au sein de la tradition, donnant à celle-ci de l’autorité et de la crédibilité ». On peut aussi noter que l’enseignement ici s’adresse à des fils, au pluriel (4.1-2 « Écoutez, fils … ne répudiez pas mon enseignement »).
  • 34
    Peut-on concevoir une conceptualisation d’un cycle d’apprentissage dont le sujet ne serait pas un individu, mais une communauté et dont la modélisation serait portée et transmise collectivement ? La plupart des enseignements bibliques, dans les deux Testaments, visent la communauté des croyants, le qāhal/ekklèsia. Nous tendons ainsi trop facilement à individualiser, par exemple, les exhortations que Paul adresse aux Églises de manière collective.
  • 35
    Cf. supra, la présentation du Préambule (Pr 1.2-7).
  • 36
    Par exemple, pour exprimer l’intention du formateur : « Pour que ta confiance soit dans le Seigneur, je vais t’instruire aujourd’hui toi aussi. Voici, j’ai écrit à ton intention trente maximes en matière de conseil et de savoir » (Pr 22,19-20). En Pr 30,3, Agour confesse son ignorance pour pointer l’attention vers le Dieu créateur – une démarche comparable à la réponse du Seigneur à Job (Jb 38,4ss). Beaucoup d’autres sentences reproduisent le discours hypothétique d’un protagoniste.
  • 37
    Autres exemples d’énoncés généraux sur la paresse : 10,4 et 26 ; 12,27 ; 13,4 et 23 ; 15,19 ; 19,15 et 24 ; 20,4 et 13 ; 22,13 ; 26,13-16 ; et 28,19.
  • 38
    « Je regardai » (le verbe ḥzh décrivant une observation évaluatrice) et, littéralement, « moi j’ai placé mon cœur » (‘ānokî ‘āšît libbî), qui implique la mobilisation de la raison.
  • 39
    Il en prend une « correction », un avertissement. Le terme mûsār (qui apparaît trente fois dans les Proverbes, notamment dans son prologue, en Pr 1,2-3 et 7) peut évoquer la punition, mais aussi l’instruction
  • 40
    Brown, Character in Crisis, p. 22.
  • 41
    Waltke, Proverbs 1-15, p. xxi.
  • 42
    Waltke, Proverbs 1-15, p. xxi.

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